Le radar

Les données radar, quand elles sont disponibles, peuvent être encore plus utiles dans l'observation et la prévision des crues éclair que les estimations des satellites. La résolution d'un radar peut atteindre quelques centaines de mètres selon la longueur d'onde du signal utilisé. Cette performance place les radars bien au-dessus des meilleurs produits de pluviométrie par satellite mentionnés précédemment. La figure ci-dessous compare les informations dérivées de données de satellites fournies par l'estimateur hydrologique NOAA/NESDIS et une estimation fondée sur des données radar pour la même région. Il est facile de voir les données plus détaillées fournit par le radar.

Estimation par un estimateur hydrologique de 24 heures de précipitations pendant la tempête tropicale Fay, août 2008
Estimation radar de 24 heures de précipitations pendant la tempête tropicale Fay, août 2008

Les radars peuvent également observer les précipitations dans l'environnement proche à un rythme beaucoup plus rapide que les satellites. Les radars météorologiques peuvent généralement effectuer des relevés sur l'ensemble de la zone couverte en 5 minutes environ. Cette durée réduite s'avère très utile dans des situations de changement rapide, comme les crues éclair. Les données radar peuvent être utilisées comme un outil indépendant pour l'estimation des précipitations. Elles sont aussi fréquemment incluses dans des systèmes de surveillance des précipitations à capteurs multiples et dans l'élaboration d'indications relatives aux crues éclair.

Les radars détectent les particules de précipitations à l'aide d'un faisceau de rayonnement micro-ondes. La granulométrie et le nombre de particules de précipitations que le faisceau rencontre déterminent la quantité de rayonnement renvoyée vers le radar. Ce rayonnement renvoyé, ou « réflectivité », apporte des informations sur l'intensité des précipitations. Lors de l'examen de situations de crues éclair, il est important de garder à l'esprit plusieurs points concernant les informations radar.

Tout d'abord, les faisceaux radar sont émis à différents angles au-dessus de l'horizon. Ainsi, le faisceau radar se situe à des altitudes de plus en plus élevées à mesure qu'il se déplace vers l'extérieur, comme le montre l'illustration ci-dessous.

Schéma montrant un radar balayant deux orages. Une chaîne de montagnes se trouve entre le radar et l'un des orages, faisant obstacle au faisceau radar aux angles de site bas.

Par conséquent, les précipitations examinées par le radar ne correspondent pas nécessairement à la quantité de précipitations tombant sur le sol. Cette différence peut induire en erreur au moment des prévisions, surtout si la zone observée ne dispose pas non plus de pluviomètres pour recouper les informations relevées. Les radars peuvent également sous-estimer ou surestimer les précipitations en raison de plusieurs autres facteurs, notamment le blocage du faisceau, la réfraction, l'atténuation et la bande brillante (un phénomène qui peut renforcer l'écho radar en présence de cristaux de glace ou de flocons de neige).

La « voûte d'écho faible » est une signature radar particulièrement importante pour la prévision des crues éclair. La réflectivité la plus élevée constatée en cas d'orage est concentrée à basse altitude, principalement en dessous de l'altitude du niveau de congélation. Dans les orages présentant une voûte d'écho faible, une grande partie des précipitations se forme pendant la phase liquide dans les parties inférieures du nuage (pluie chaude), comme nous l'avons indiqué précédemment. L'image ci-dessous montre la signature d'une voûte d'écho faible lors d'une tempête au Kansas (États-Unis) qui a provoqué d'importantes crues éclair et dans laquelle le processus de pluie chaude a joué un rôle important.

Section (Coupe transversale) de la réflectivité radar pendant une tempête au Kansas (États-Unis) contenant une voûte d'écho faible, qui correspond à la zone de réflectivité la plus élevée, située dans les niveaux les plus bas de l'orage (sous le niveau de congélation)

Quand on utilise un radar, il faut aussi prendre en compte la manière dont le radar estime l'intensité des précipitations, en particulier lors de la prévision des quantités de pluie dans des environnements propices au processus de pluie chaude. La réflectivité mesurée est fonction du nombre de particules de précipitations présentes et du diamètre des particules à la puissance 6. L'intensité des précipitations est calculée à partir de la réflectivité en utilisant une relation simple fondée sur des estimations empiriques de la population de la granulométrie de chaque goutte de pluie. Dans les cas de pluie chaude, on trouve généralement de fortes concentrations de gouttes de pluie de granulométrie petite à moyenne. En revanche, en cas de pluie froide, les hydrométéores ont tendance à être moins concentrés. De plus, ils présentent une taille variée, pouvant aller de petite à très grande.

Distribution de la granulométrie des gouttes avec ou sans grêle

C'est pourquoi, quand les prévisionnistes remarquent ou anticipent une signature de pluie chaude, par exemple une voûte d'écho faible, il est judicieux d'utiliser une relation différente entre la réflectivité radar des précipitations et leur intensité, fondée sur une densité plus élevée de gouttes de pluie de petite granulométrie. Le tableau ci-dessous met en évidence la différence de valeurs pour la relation réflectivité - intensité de la pluie en cas de pluie convective froide et en cas de pluie convective chaude.

Comparaison de la relation réflectivité - intensité de la pluie pour de la pluie continentale, froide, et de la pluie maritime, chaude, à différentes valeurs de réflectivité.  À 45 dBZ, l'intensité de la pluie est de 27,9 mm/h pour la pluie froide alors qu'elle est de 56,5 mm/h pour la pluie chaude. À 50 dBZ, l'intensité de la pluie est de 63,4 mm/h pour la pluie froide alors qu'elle est de 147,2 mm/h pour la pluie chaude. À 55 dBZ, l'intensité de la pluie est de 144,2 mm/h pour la pluie froide alors qu'elle est de 384,6 mm/h pour la pluie chaude.

Les images radar ci-dessous se rapportent à nouveau à la tempête de pluie chaude au Kansas. L'image de gauche illustre la relation réflectivité - intensité de la pluie en présence de pluies convectives froides. Celle de droite illustre cette même relation en présence de pluies convectives chaudes. On constate une différence de 60 à 80 millimètres entre les deux estimations d'accumulation de précipitations. Celle de droite était la plus précise dans ce cas précis. Un écart aussi important pourrait faire toute la différence dans la décision d'alerter la population ou non si les autorités se fondent uniquement sur les estimations radar.

Vue en plan du radar des précipitations totales pendant une tempête au Kansas (États-Unis). Comparaison de la relation réflectivité - intensité de la pluie pour de la pluie continentale, froide, et de la pluie maritime, chaude. La pluie chaude atteint une intensité maximale d'environ 150 mm alors que pour la pluie froide, elle est d'environ 71 mm.

À l'avenir, ce problème se posera sans doute avec moins d'acuité avec la généralisation de l'utilisation des radars à double polarisation. Les radars à double polarisation sont capables de visualiser les particules de précipitations en deux dimensions plutôt qu'en une seule et peuvent donc fournir des informations détaillées sur la granulométrie et le type des particules concernées.